J’ai aimé Paris avant même de la connaître. Depuis que j’ai vu pour la première fois «Les trois mousquetaires». Oui, dans notre recoin perdu du monde, à la périphérie de tout, même de ce qui a été l’immense URSS, il y a avait un D’Artagnan qui sauvait l’honneur de sa reine et prenait d’assaut le Louvre! Après, il y a eu la lecture de tous les bouquins de Dumas, dont la plupart avaient comme cadre cette ville, et les noms de ses rues, des lieux, des quartiers ont commencé à se faire une place douillette dans mon espace imaginaire.
Il y a eu l’école par la suite et le chapitre sur Paris avec ses monuments et un plan rudimentaire que je connaissais par cœur. Et le concours national de langue française où j’ai participé même si je n’avais pas encore l’âge, mais le sujet sur lequel il fallait converser c’était Paris, alors j’ai parlé, j’ai parlé, j’ai parlé à tel point que le jury en a eu marre et ma viré dehors en m’accordant le deuxième prix.
Il y a eu Hugo et « Les Misérables », Zola avec « Nana » et « Au Bonheur des Dames », Balzac avec sa « Comédie humaine », tant d’autres lectures…
Il y a eu les cassettes avec Joe Dassin, Charles Aznavour, Edith Piaf ou encore Patricia Kaas…
Le choix de ma fac, lettres françaises, n’avait qu’une seule justification: et si jamais… Si jamais cela me permettra de visiter, ne serait-ce qu’une seule fois, Paris… Un espoir qui se superposait à la compréhension rationnelle que cela relevait de l’impossible…
Et puis il y a eu la première visite en 1998. J’avais un appareil photo argentique, une véritable pièce de musée. Je voulais tout prendre en photo! Tout-tout-tout! Je me rappelle avoir pris une photo d’une fourrière qui enlevait une voiture! C’est pour vous dire…
Après, tout s’est enchaîné très vite. La ville m’a adopté. Elle ne m’a plus laissé partir. En 2001 j’y arrivais pour faire mes études… Et là, on a eu notre petite histoire noire… Comme il en arrive entre amoureux. Que j’ai pu la détester! Mais c’était trop tard. On était maqués.
Et on a appris à se connaître. Je l’ai découverte dans ses recoins les plus secrets. J’ai appris que c’est une ville bien vivante. La ville de mes livres d’enfance n’existait plus vraiment. Mais ce que je découvrais me plaisait encore plus! C’est là que j’ai vu mon premier opéra, mon premier ballet. Et les théâtres! On en dévorait. Et les petits concerts live dans les bars! On en voulait plus-plus-plus et Paris en rigolait. Elle en avait autant à nous montrer qu’on ne savait pas trop où se donner la tête!
Et que dire de ses goûts! Mon dieu, ces fromages qui puaient tant! Comment passer devant l’étalage des fromages sans se serrer le nez? Et ses vins? Et ses champagnes? Comment peuvent-ils boire ça? Eh bien, essayez de me les enlever aujourd’hui! Et les huîtres? Comment peuvent-ils manger ces mollusques? Vivants! Eh bien, aujourd’hui des huîtres avec un bon champagne brut me font saliver. (Tiens, il faudrait que j’en rachète pour passer une bonne soirée entre amis!).
Aujourd’hui, ma bien-aimée est mise à lourde épreuve… Je n’ai pas de mots pour qualifier ce qui se passe. L’émotion est encore trop forte et j’ai du mal à choisir mes mots. Ecrire sur la tragédie qui nous traverse est au-dessus de mes forces. Je ne peux que déclarer mon amour pour Paris. Mais j’ai appris aussi à la connaître! Elle prendra le dessus. Je la connais, ma belle! Elle est têtue! Elle est capricieuse et espiègle! Et la vie prend toujours le dessus sur la mort!
Non, sérieux, j’ai terriblement envie d’huîtres. J’en achète ce soir même! Et ça fait un bail que je n’ai pas bu du Pouilly-Fumé. Et un Opéra pour dessert. Avec du champagne! Alors, à la vôtre!
Imagine: Pierre-Auguste Renoir, "Bal du moulin de la Galette", 1876, Musée d'Orsay, Paris