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26 mars 2019 2 26 /03 /mars /2019 00:34
Le Sturmbannführer de la Brigade de choc prolétaire sur les murs du métro parisien

Imaginez le jour où vous entrez dans le Métro parisien et sur le quai d’en face - quatre énormes panneaux publicitaires vous annonçant une exposition d’envergure au Grand Palais portant le titre suivant : «  Art et Utopie (là, il faudrait choisir une couleur – noir, brun, vert, voir même le rouge – car les national-socialistes n’ont pas été aussi regardants et pointilleux quant aux symboles, les nationalisant au lieu de les internationaliser). Au pays du III-ème Reich ». Et à gauche de cette annonce une image de la propaganda de l’époque avec un sturmbannführer couvrant de son étendard avec une croix gammée le monde pour lui inséminer de « vraies valeurs ». Par ailleurs, sur un des trois autres panneaux on pourrait bien retrouver une des toiles de la main du führer en personne (eh oui, lui-aussi, il était peintre !).

Je vous vois déjà scandalisés, sauter de vos chaises, pour les plus colériques, je vois vos sourcils se lever, pour ceux qui êtes plus cyniques, ou vous demander si la moquette à fumer produit ce genre d’effets, pour les plus railleurs d’entre vous… Bref, je vous entends me dire que ceci est impensable, impossible, et je vous répondrais qu’il est bien qu’il en soit ainsi ! Hier, aujourd’hui et pour de longues années à venir !

Il me serait difficile de vous décrire la gamme de sentiments qui m’ont envahi ce dimanche lorsque je descendais sur le quai de la ligne 1 et qu’en face, occupant quasiment tout le mur, j’ai retrouvé le fruit de cette misérable collaboration entre les managers en communication de la titanesque exposition et la régie publicitaire de la RATP… Choc, honte, humiliation, peine…

Ce n’est pas un hasard si j’ai commencé ce texte par une analogie aussi lugubre. Si parmi mes lecteurs il y en a de ceux qui voudraient me convaincre qu’il n’y a pas lieu de comparaison, que la nature des deux régimes (nazi et soviétique) est profondément différente en me renvoyant vers des concepts philosophiques ou des « textes écrits » - ah, mais voyez-vous, l’idéologie était différente ! – c’est peine perdue. Vous prêchez un convaincu. Et c’est là toute la question ! C’est là où le bât blesse !

Car il ne s’agit ni de comparer, ni de mettre en opposition ces principaux maux du XX-ème siècle. Mais si par rapport au régime d’Hitler et de ses acolytes il n’existe pas et plus de poids de mesures possibles, celui des soviets est toujours à l’affiche… Mieux encore : on retrouve une certaine forme d’intérêt morbide pour cette période, presque attendrissant, avec des événements « artistiques » à travers le monde, et notamment à Paris. Derniers exemples : le projet DAU et cette exposition du Grand Palais... Que le public parisien soit avide du neuf et surtout d’impressionnant c’est concevable. Le « petit bourgeois », pour utiliser un vocabulaire approprié au contexte, cherche toujours du sensationnel. Étonnez-le et il vous ouvrira sa bourse ! Apportez-lui un peu de « sensations fortes », car il s’ennuie à mort dans son quotidien dodu, et il vous laissera jusqu’à sa dernière chemise ! Torturez-le (mais doucement), rabaissez-le et il en redemandera, il reviendra le lendemain avec ses amis ! Que de plus merveilleux qu’une « dictature » douce-amère de velours pour la lui servir en apéro ? Il s’en suivra toujours un repas avec des huîtres et un verre de blanc… On souffre un peu pour le fun, on étudie l'ampleur utopique de l'art soviétique et on se retire dans sa niche: quoi de plus naturel?

De l’autre côté on a une génération de jeunes loups sans vergogne ni scrupules, prêts à tout pour se faire une place (et de l’argent, tout en passant) parmi les élites du mainstream culturel, talentueux, sans aucun doute, ayant pu bénéficier de tout ce que l’Occident et sa démocratie décadente pouvait leur offrir de mieux, qui vous créent à tout va des « concepts novateurs » et des œuvres monumentales sur demande. D’autant plus que leurs critiques, des quinquagénaires qui se sont faits un nom en attaquant le système soviétique et en s’érigeant comme défenseurs de valeurs libérales, se découvrent subitement un « sens critique » qui n’est autre qu’une forme de nostalgie envers leur jeunesse à jamais passée, mais dont ces adolescents mal vieillis n’arrivent pas à se séparer, tombent sans résister dans le panneau. Dès lors tous les ingrédients sont là pour le grand « succès » ! Vous vouliez de l’art ? Ne cherchez pas, car il n’y en a pas…

Le pire est que cette société n’est même plus capable d’en dégager davantage (je dis bien « dégager », pas « produire ») qu’un débilisant cœur empalé à la Porte de Clignancourt ou un plug anal géant sur la Place Vendôme, payés à prix d’or par les pouvoirs publics, cela va de soi…

Si on revenait aux quatre affiches géantes de la station Bastille il y aurait autre chose à dire. Cette histoire ne date pas d’aujourd’hui, ni d’hier d’ailleurs… De toute la clique de criminels sanguinaires bolchéviques seul Staline a été incriminé d’une certaine façon. A mon arrivée en France je découvrais abasourdi une rue portant le nom de Lénine aux portes sud de Paris. J’apprenais plus tard qu’il y a 48 localités en France qui en auraient une ! On me faisait également découvrir de vrais trotskistes, espèce dont j’ignorais l’existence-même, menant leur « combat » sans trop d’entraves, comme si l’assassinat de leur gourou par un autre criminel l’absolvait de tout sang versé…

Faire porter le chapeau à Staline, c’était une idée du « politbiouro » soviétique après la mort du « maître », mise en pratique par Khroushchev, celui qui signait quelques années auparavant des condamnations à mort à la chaîne de sa propre main. Là-encore, on risque de se tromper de jugement : ils avaient tous les mains en sang jusqu’aux coudes et l’éviction de Béria du pouvoir n’était que le reflet d’une banale bataille de palais…

Mais ils ont réussi un coup magistral : dorénavant il n’existe qu’un seul bouc émissaire en Occident, et c’est Staline. Des dizaines de millions de tués ? C’est Staline ! Le GOULAG ? Staline ! Déclenchement de la II-ème guerre mondiale ? Ah non, là c’est Hitler, Staline est à peine mis en cause… Génocides ? Il y en a que deux dans l’histoire : celui des Arméniens, et l'holocauste. Les Kalmuks, les Tatares, les Tchétchènes, à nouveau les Juifs en 1953 (celui-ci, heureusement, Staline n’a pas eu le temps de le mener à terme), pour ne parler que des exterminations à caractère purement ethniques perpétrées par les soviétiques, ne comptent plus ou très peu dans l’imaginaire du bobo parisien se baladant avec un T-short flanqué d’un Tché ou de CCCP…

Par miracle, tout ce qui s’est passé avant et après Staline devient « porteur d’espoir pour l’humanité » pour citer un de mes profs de l’Université Paris Dauphine… Cependant… Voilà juste quelques exemples, très-très-très loin d'être exhaustifs :

A la fin de l’année 1918 le nombre de victimes de la « dictature du prolétariat » proclamée par Lénine s’élevait déjà à environs 2 millions de personnes! Trotski sillonnait le pays en train blindé ayant comme mission d’étouffer les révoltes et les soulèvements populaires et il le faisait avec une cruauté inouïe ! C’est aux bolcheviques de Trotski qu’on doit le premier gazage de la population civile de l’histoire lors de l’opération d’étouffement de la révolte des paysans de Tambov ! En août 1918 Lénine ordonnait la pendaison de 100 paysans les plus aisés de la région de Penza : « Les pendre ! (les pendre obligatoirement) pour que le peuple le voit ! ». En décembre 1919 Dzerzhinski envoie une lettre à Lénine lui annonçant que les rouges détenaient un peu plus de 700.000 prisonniers et demandait une décision. Lénine décréta sèchement : « Les fusiller tous jusqu’au dernier ! ». Rien que la guerre civile du 1917-1922 a fait selon divers historiens 22 millions de victimes !

Mon but n’est pas de vous faire un cours d’histoire du communisme, de la construction du socialisme, ni même du national-socialisme… Ignorer l’histoire ne peut être un argument que pour justifier la paresse d’esprit (car des données et des informations existent aujourd’hui en libre accès) ou la bêtise. On peut excuser le petit bobo prétentieux, car il ne s’élèvera jamais au-dessus de son état actuel. L’école ne lui a appris que l’ennui et la méthode de la performance à brasser du vent dans des beaux bureaux. On peut excuser les anciens militants gauchistes : ce serait trop dur de leur faire abandonner leur monde basé sur des injustices sociales dans lequel ils combattaient pour l’égalité dans les salons parisiens, tandis que la misère s’amassait année après année dans les tours des cités devenues peu fréquentables…

Mais il est impardonnable, lorsqu’on est en charge de la politique culturelle d’un pays, lorsqu’on dépense un argent public fou, de faire preuve du même degré d’ignorance!

On est entré dans une phase hilarante d'irresponsabilité et de bagatélisation générale que je trouve extrêmement dangereuse. L'incapacité d'établir les frontières de… l'inacceptable, l'atomisation de plus en plus visible et marquante des grilles conceptuelles, des façons de voir le monde...

Ces-mêmes « jeunes loups » dont je vous parlais plus haut n’hésiteraient pas une seconde à vous inviter à un jeu du type « Une journée à Auschwitz » ou « Prenez d’assaut le ghetto de Varsovie ». Que diriez-vous d’un récital des poèmes de… Staline ? Eh oui, c’était un poète ! Comme cadre: un vernissage des tableaux d’Hitler. Pas mal, non ? Mon intro du début vous plait-elle ? Relisez-là… Pouvez-vous l’accepter ?

Et quand le petit bobo parisien commencera de nouveau à s’ennuyer on pourra passer au level next : « Reconnais le goût de tes enfants ! » avec un vernissage-photo de la famine de Povolzhyé (1921-1922), du Holodomor (1932-1933) ou encore de la famine en Moldavie (1946-1947)… Vous en voulez encore ? Je déborde d’idées !

Nous sommes de plus en plus déconnectés de la réalité. Notre relation à cette réalité objective est devenue une piètre abstraction. Ce n’est plus la réalité qui nous intéresse, mais le discours sur cette réalité… Ce ne sont plus les faits qui nous intéressent, mais la "bonne" attitude à avoir pour ne pas décevoir le mainstream. Il n’est pas accepté de faire des expos sur l'"Art du IIIème Reich", de dessiner des croix gammées ou des officiers SS sur des affiches ? Pas grave, nous avons les brigades de choc de l’URSS ! C’est tellement rigolo !

On est en pleine décomposition idéologique et on s'enfonce... Cela ne nous annonce rien de bon. Vous voulez qu'on parle d'une nouvelle idée pour l'Europe?  

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Despre PUNCT-ul din .FR

Poveşti, povestioare, gânduri, reflecţii, idei mai profunde şi mai superficiale, grave si ilariante... un punct de vedere şi doar atât. Doar un punct în imensitatea blogurilor. Doar un punct din atâtea altele dispersate în nebuloasa reală si virtuală. Doar un punct. Deşi... câte odată nu-ţi lipseşte decât un punct pentru a fi un i! 

"De sus, din vârful săptămânii,
să le rânjesc urlat, scârbos:
iubesc doar locul nu stăpânii,
precum fac câinii pentr-un os.

Şi iarăşi şapte gospodine
să dea cu bolovani în mine,
iar eu să urlu, urlu-ntruna
atât cât n-o apune luna."  Nichita Stănescu

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